Cours extérieure

[C'est ici que se déroule les entraînements en pleine aire, telles que ceux aux arts martiaux. Située au beau milieu du monastère, cette cour est vaste et presque nue la plupart du temps ...
Mais elle est également connue pour être magique, et s'adapter aux souhaits du Grand Moine, qui l'utilise pour tous ses entraînements spéciaux.]

Luis s'éveilla dès que le réveil sonna six heures du matin. Trois heures de sommeil. Comme à son habitude, il n'avait pratiquement pas dormi de la nuit. Il ne parvenait jamais à s'échapper bien souvent de son fauteuil, et de ses ordinateurs. Si ce n'était quelques minutes, afin de commander des pizzas. Tiens, d'ailleurs, il avait oublié de manger, la veille au soir. Et le midi qui venait de passer, aussi. En fait, en comptant sur ses doigts, il déduisit qu'il n'avait pas mangé depuis pratiquement vingt-quatre heures. Et dormi, en moyenne, quatre heures par nuit, cette semaine. Bah, quelques cachets de caféine, et le coca-cola, sucré et caféiné, lui aussi, aidaient à tenir le choc. Sans oublier les injections qu'ils se faisaient, en cas de coup de mou, à l'infirmerie, pour garder la forme. Quand on était un membre du Projet Zanki, il fallait être prêt à quelques menus sacrifices. Notamment à tomber corps et âme dans l'univers des geeks. Univers auquel Luis Fernando n'était déjà pas trop étranger avant de faire partie du projet … Mais bon, disons que ça avait largement empiré, pour son plus grand bonheur. De toute manière, il n'avait ni amis, ni femme, ni famille … Enfin, plus rien qui le retienne au-dehors. Il pouvait s'adonner complètement à ce projet sans le regretter.
Et c'était d'ailleurs ce qu'il faisait depuis le début.
Bon, il avait un sachet de chips. Deux canettes de soda à l'orange (le coca venait à manquer, vivement la prochaine cargaison …). Son ordinateur, avec ses quatre espaces de travail distincts, était prêt lui aussi. Le principe était simple : un espace de travail par avatar, histoire d'avoir la possibilité de changer rapidement ceux-ci. Il groupait ses personnages ensembles, afin de pouvoir les transporter rapidement les uns vers les autres, à son gré. Une petite astuce que tout joueur expérimenté devait apprendre à utiliser. Et le quatrième espace de travail ? C'était très simple, il était consacré au référencement de données. Le même genre de base de données que celle dont était équipé la matrice, mais en moins impressionnante. Et un accès web pour pouvoir en rechercher d'autres si le besoin se faisait sentir. Toute cette mise en scène permettait, par des recherches rapides, d'avoir accès à des connaissances que Luis Fernando n'avait pas. Histoire de simuler la sagesse ancestrale de Berfomet, son avatar. Et des pages relatant des proverbes chinois, aussi. Pour son étrange façon de parler. C'était un maître zen, et un moine, après tout, alors il fallait taper dans l'asiatique.
Bon. Double clic. Connexion. Luis … Fernando. Et le mot de passe … Voilà. On sélectionne les avatars, et c'est partit!

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Le sage des chemins sortit de sa profonde méditation. A ses côtés, le combattant, et le guérisseur, s'éveillaient eux aussi. Tous trois étaient en position du lotus, au beau milieu de la salle la plus haute du monastère. Ils étaient ainsi positionnés depuis le milieu de la nuit, et alors que le soleil émergeaient, à l'horizon, ils revenaient sur la terre ferme, l'esprit clair et lucide, et le corps soigneusement reposé.
Des trois, deux bondirent, afin de se retrouver sur le toit du monastère, surplombant ainsi toute la cours, et observant ce qu'il s'y passait dans son intégralité. Le troisième, le combattant, se vêtit de son kimono blanc, et de sa tenue habituelle. Gants, ceinture et bottes faites du même cuir. Une épaulière représentant un tigre, et moulée entièrement dans de l'acier. A son dos, une lanière retenait son inséparable bâton en bois-de-fer.
Ainsi paré, le grand moine dégringola les étages un à un, bondissant d'escalier en escalier, avec l'agilité caractéristique des homme-singes.
Dans la cours extérieure, c'était l'entraînement du matin pour les néophytes. Ce matin-là, c'était le professeur d'arts martiaux qui avait réservé la majeure partie du gigantesque espace, et les jeunes pousses de Chillé s'affrontaient dans des oppositions à mains nues, avec plus ou moins de maladresse.

Certains notèrent l'arrivée du grand moine et le saluèrent d'un signe de tête. Ou carrément d'un salut plus ostensible. D'autres le regardèrent avec défi, d'autres encore ne le virent même pas, ou firent en tous cas semblant de ne pas l'avoir vu. Avec son sourire énigmatique, celui qui sied à un grand sage, Berfomet ne prononça pas la moindre parole, et se contenta de s'asseoir en tailleur sur un banc de pierre, afin d'observer les progrès qu'ils avaient faits. Ce groupe de jeunes moines était arrivé au monastère il y a de cela deux semaines seulement, et débutait tout juste son apprentissage. Ce qui expliquait leur inexpérience, entre autres choses.
Un des duos, en particulier, intéressait énormément le sage. Tao, et Runog. Tao était un jeune moine humain, qui venait d'un petit village, qui était d'ailleurs peu loin du monastère. Runog, un reptilien, de type hybride de lézard, venu afin de connaître un pendant aux arts guerriers agressifs de son propre peuple. Bien qu'ils soient tous les deux des débutants, Runog avait déjà eu une formation complète dans son pays, et surclassait largement Tao, qui compensait cela avec une agressivité débordante. Enfin, tout du moins, croyait le compenser. En réalité, il ne combattait pas mieux du tout. C'était simplement que sa rage l'aveuglait.
Alors c'était la réponse qu'il avait trouvé à son impuissance de la semaine passée ? Berfomet trifouilla quelques instants sa joue avec son pouce, puis se leva d'un bond, pour se réceptionner tout près des deux garçons. Au beau milieu, en fait. Ils s'apprêtaient à frapper, mais leurs poings rencontrèrent les paumes de l'homme-singe, qui les envoya tous les deux à terre d'un balayage de trois-cent soixante degrés.

L'air sévère, il les fixa l'un après l'autre.

- Un agneau qui revêt une peau de tigre craint toujours le loup, Tao.

- Et un loup qui souhaite apprendre à être plus qu'un simple prédateur, devrait d'abord réfléchir à la manière dont il voit ses proies. Dont l'agneau, Runog.

Sur ces paroles, le sage singe les planta là, et s'éloigna vers le monastère. Ou plus exactement, sur le côté de celui-ci, afin de se rafraîchir. Alors qu'il buvait et s'aspergeait tranquillement, du remue-ménage commença à se faire entendre du côté de la cours.
Calmement, il ôta ses mains de la source d'eau, et rentra dans le champ de vision du sage des chemins et du guérisseur, toujours perchés en haut du monastère. Sur le toit.

** Voyons voir. Que se passe-t-il là-bas ? **

Et une fois de plus, la féline s'était barrée en catimini de la forteresse, échappant par la même occasion à ses corvées. Encore une fois. D'ailleurs, c'était tellement habituel qu'on avait finit par ne plus compter sur elle pour les faire. Il est de ces batailles qui sont perdues d'avances, et qu'il est bien vain de vouloir relever. Elle avait fait cependant un petit détour aux cuisines avant de filer, histoire d'embarquer un petit sachet de pêches bien juteuses. Partir en vadrouille oui, mais pas le ventre vide ! Et cette fois-ci elle s'était aventurée bien loin de chez elle, s'amusant à grimper sur les arbres aux alentours, à chasser les oiseaux qu'elle relâchait une fois attrapés. Elle ne comptait pas vraiment les manger, mais simplement éprouver le plaisir d'une chasse, même simplement simulée. Il ne fallait pas perdre les bonnes habitudes et les bons réflexes. Et ils étaient encore intactes !

A force de crapahuter, elle avait repéré un gros complexe qu'elle ne connaissait pas. Encore intriguée, elle décida de s'y rendre pour voir de quoi il s'agissait. Mais avec prudence toutefois. Déjà parce qu'elle ne savait pas si c'était ouvert au public. Et quand bien même, certains autochtones n'appréciaient pas toujours les visiteurs matinaux. Oui parce qu'en plus il était encore assez tôt. Elle avait dormi toute la journée la veille, elle avait besoin de se dégourdir les pattes et d'évacuer le trop plein d'énergie. Quand c'est jeune c'est souvent increvable. Mais bref retour sur le curieux complexe. Mille et une moustaches, qu'est-ce que c'était grand en fait ! Elle ne l'aurait jamais cru de l'extérieur. Et pourtant il y avait une quantité de toits, parfois sur plusieurs étages, des couloirs à perte de vue, des salles immenses. Bha au moins ça valait le coup d’œil.

Mais un peu plus bas, des bruits interpelèrent sa curiosité. Ils semblaient y avoir du monde plus loin.... La curiosité est un très vilain défauts, mais on ne referait pas notre tigresse ! Pelage au vent, et surtout masquant son odeur, elle se rapprocha du lieux dit. Et elle y découvrit ce qui sembla être une séance d'entrainement au combat en pleine airs. Tiens, tiens, voilà qui était amusant. La cours était très vaste, et elle voulut changer son point d'observations. Et à la périphérique de la dite cours, il y avait toute une rangée d'arbre. Parfait ! Il ne lui en fallait pas plus. Sa dernière pêche fermement coincée entre les crocs de sa gueule, elle enchaîna une suite de bond aussi souple que silencieux, jusqu'à parvenir aux arbres aperçus. Et une fois dans leur branchage, bien à l'abri des regard, elle put commencer à faire le tour des différents combattants, en observant de loin.

Elle finit par arriver par un duo qui visiblement s'y donnait à cœur joie. Un humain et un lézard. Et visiblement, l'humain se prenait une pâtée de tout les diables. En y réfléchissant bien, bien qu'il y ai différent niveau ici, de manière générale, les élèves semblaient encore très ignorants. Ils devaient tous être jeunes, enfin dans l'art du combat. Même le dit lézard, bien que plus expérimenté que l'humain, avait encore beaucoup à apprendre. Beaucoup de geste inutiles, d'élan prit sans nécessité, les points vitaux n'étaient bien souvent pas visés. Certes ils semblaient frapper comme des bœufs. Mais frapper comme un bourrin en comptant juste sur sa puissance était une technique qui était souvent vouée à l'échec à long terme. Si Gothyka avait bien appris une chose dans sa vie, c'est que l'important n'était pas de pouvoir frapper fort, mais de savoir frapper là où ça faisait mal.

Et elle avait très bien compris et maîtrisé la chose depuis tout ce temps. Après tout, elle n'avait pas le choix. Les combats pour elle étaient une questions de survie, elle avait plutôt intérêt à ne pas plaisanter avec. Bien qu'une petite chamaillerie amicale de temps en temps était tout à fait acceptable, et même agréable. Mais voilà qu'un vieux singe singe débarqua, avec le mérite de mettre tout le monde d'accord. Tout en grignotant sa pêche avec attention pour la scène qui devenait que plus intéressant, Gothyka ne perdit pas une miette de ce qu'il s'y passait. Et ce qui s'avéra être un maître ou un truc du genre en tout cas, envoya tout simplement les deux jeunes valser. Scène qui manqua d'arracher un rire à la jeune tigresse qui se retint de justesse. Les jeunots mouchés, le primate leur sortie des proverbes, surement dans le but de leur faire passer un message. Méthode qui laissait toujours la féline un peu circonspecte.

Pourquoi ne pas dire les choses simplement ? Peut-être que ça ferait perdre du charme à leur entraineur ? Ou alors il avait peut-être du mal à s'exprimer autrement ? Bah qu'importe au final. Elle en avait profité pour apprendre les noms de deux combattants. Pas que cela était d'une importance capitale mais ça pouvait toujours servir. Le singe s'éloigna, laissant les deux jeunes hommes seuls. Ils se regardèrent en chien de faïence, visiblement ils ne s'aimaient pas beaucoup. L'humain constatant qu'il ne pourrait pas progresser avec un adversaire trop fort par rapport à lui, mit sa fierté de côté et décida d’aller chercher un autre partenaire d'entrainement. Mais Runog se sentit vexé que Tao lui tourne le dos sans autre forme de procès, et surtout sans qu'il ai pu assoir sa victoire sur lui.

Gothy sentait le mauvais coup arrivé à plein nez. Et son odorat ne lui faisait pas défaut ! Le vilain lézard s'était élancé pour une attaque par derrière et par traitrise sur l'humain. Que c'était vil de sa part.... et c'était surtout sans compter sur la présence de la tigresse qui ne pouvait pas fermer les yeux sur cette perche de la taille d'un tronc d'arbre ! Aussi, alors que le reptile courait, elle usa de sa magie de glace pour faire apparaître une couche de verglas juste sous les pattes de ce dernier, et le faire se vautre pitoyablement. Les lézards n'aimaient définitivement pas la glace. Cette fois-ci la jeune tigresse ne put contenir son hilarité et laissa son rire se faire entendre. Runog était fou furieux et hurla que l'auteur de cette mauvaise farce se montre s'il en avait le courage. Bah après tout... Pourquoi pas ? Elle avait terminé sa pêche.

Et tandis que d'un bond souple elle se retrouva derrière lui, pouvant à loisir observer Tao qui se bidonnait en voyant Runog se relever, elle lui chuchota à l'oreille.

-Est-ce moi que tu cherches ?

D'un autre bond, elle partit en arrière, devinant avec justesse un coup venant du lézard. Les impulsifs sont prévisibles.... Celui-ci découvrant son agresseur, ouvrit de grand yeux ronds.

Qu'est-ce que .... ?

Qu'est-ce que c'était que ce truc là ?! Une fille.... non une tigresse blanche ! Un mixe des deux ? En tout cas il n'en avait jamais vu. Et c'est ça qui avait osé l'attaqué ? Une femme ? Non mais et puis quoi encore ?! Il allait lui apprendre à se mêler de ses affaires à celle là ! Bon pas trop fort non plus, c'était qu'une femelle après tout. Juste de quoi laver son honneur et sa fierté. Mais en tout cas, il devait y mettre bon ordre. Il s'élança donc, poing fermé, bien décidé à frapper. Mais il y avait un truc qui clochait.... Pourquoi est-ce qu'elle ne bougeait pas ? Pourquoi restait-elle fixe ? Il était trop rapide pour elle ou quoi ? Bah aucune importance, si elle était faible, un coup suffirait amplement pour corriger son affront. Ou pas.... Car voilà qu'au dernier moment, elle fit simplement un rapide pas de côté, avant d'attraper le poing tendu de Runog, et d'user de la force et de l'élan de ce dernier pour l'envoyer paître dans le décor en riant.

Rien ne va plus, cette fois c'était l'affront de trop ! Elle avait eu de la chance mais elle n'en n'aurait pas deux fois ! Il se releva sous les rires des élèves qui avaient commencé à regarder ce drôle de spectacle. Leurs rires le rendait fou. Il allait la tuer ! Mais à chaque fois qu'il se jetait sur elle, elle esquivait, parait ses coups sans la moindre difficulté, voir pire ! Elle le maîtrisait, en lui bloquant tout ses membres et en le mettant au sol. La honte ! Il allait s'en étrangler ! Elle n'avait donc pas finir de bondir dans tout les sens ?! Elle était montée sur ressort ou quoi ? Et comment elle pouvait bouger avec un corset de cuir ?! Bon la jupette pas de soucis mais le haut semblait dépourvu de baleines... La poisse ! D'où elle sortait ? C'était une épreuve cachée ?! Oui, c'était la seul explication ! Son niveau n'avait rien à voir avec ceux des autres ! Il était bon, et on voulait lui faire passer un test. Rassuré, il demanda avec un sourire.

Un petit test improvisé n'est-ce pas ? C'est le maître qui vous envoie ?

-Un test ? Le maître ? Pas du tout, je passais juste dans le coin. Et puis tes petites fourberies m'ont donné envie de m'amuser ! Je ne pourrais pas te tester alors que je n'ai même pas commencé à combattre voyons.

Hilarité général chez les élèves spectateur. Runog qui se faisait mettre la pâtée par une inconnue, c'était quelque chose. Mais pour le dit lézard, c'était la goutte d'eau qui fit déborder le vase. Tout le monde se moquait de lui à cause d'une inconnue qui ne savait pas quoi faire de ses journées ?! C'était intolérable, il devait gagné ! Mais la féline ne semblait pas être sur le même degrés de gravité que lui. Et pour preuve, elle frappa dans ses mains avant de les écarter, faisant naître une boule de neige dans chaque. Et la voilà qui pilonnait Runog de boule de neige ! Bon ça ne le blessait pas puisque les boules étaient de neige et non de glace, mais sa fierté dépérissait à chaque boule reçue. Et en plus, ça la faisait rire, elle et tout les autres. Lui devenait fou. Il tentait de la frappait, mais ses coups finissait dans le vide, et lui se prenait une boule de neige à chaque fois ! En tout cas les autres s'amusaient bien.

Le guérisseur avait les yeux fermés, puisqu'il était à nouveau en pleine méditation afin de rassembler un maximum de Ki. En revanche, le regard du sage des chemins balayait la cours avec intérêt. Et, il fallait bien l'avouer, de l'amusement. Parfois, certaines leçons valent la peine d'être données quand bien même elles n'étaient pas prévues au programme. C'était le cas de celle que le jeune Runog était en train d'avoir. C'est principalement la raison pour laquelle Berfomet n'avait pas aussitôt basculé dans le corps du moine combattant afin d'aller régler ce problème avant que son élève soit complètement et définitivement humilié : après avoir mis Tao à l'amende, c'était une bonne chose qu'il découvre ce qu'il lui avait fait subir. La voie vers la sagesse comportait les concepts de compréhension, et d'empathie. Et c'était une bonne chose que Runog, le plus expérimenté des élèves, puisse se mettre un peu à la place des autres, et sentir que ses capacités pouvaient être surclassées par quelqu'un qui avait sensiblement son âge. Ou tout du moins, pas plus de dix années de plus que lui.
La jeune personne qui avait débarqué à l'improviste pour le corriger était une femelle d'une race inconnue, mi-humaine, mi-féline. En même temps, Berfomet étant un hybride de singe, cela ne l'étonnait pas plus que ça. Il était difficile de lui donner un âge, mais elle avait plus de pratique que le jeune Runog, qui était âgé de quinze ans … Enfin peu importait. Du moment qu'elle lui enseignait l'humilité, elle était la bienvenue.
Mais pour l'heure, la leçon semblait amplement suffisante. Le jeune reptilien en avait assez vu pour avoir matière à réflexion, et surtout, pour évoluer. Berfomet bascula à nouveau vers le moine combattant, ayant vu ce qu'il avait à voir.

L'homme-singe, qui était parti se rafraîchir, déboula soudainement au milieu de l'affrontement stérile entre la féline et le lézard. Son bâton tourbillonna, déviant de sa trajectoire une des boules de neige dont s'était servie la fille afin de pilonner la fierté de Runog. En voyant le maître-moine débarquer, ce dernier venait instantanément de se calmer. Oh, il était toujours aussi vexé, mais il avait arrêté de bouger : il baissa la tête, en se mordant la lèvre inférieure. Il semblait craindre quelque chose. Sans doute les remontrances. Ou alors, peut-être réalisait-il enfin la raison pour laquelle Berfomet n'était pas intervenu plus tôt. Dans un cas comme dans l'autre, c'était une preuve que la leçon improvisée avait été très efficace.

- Tu viens de découvrir qu'il y a toujours plus fort que soi, Runog. C'est une bonne chose que tu l'ai fait. Si aujourd'hui tu as été humilié, c'est parce que ta fierté était trop mal placée pour que tu aies les idées claires sur cette situation. Sers-t-en de la meilleure manière possible. Tu es dispensé des autres cours de l'après-midi : utilise ce temps afin de méditer sur tout cela. Et si tu réussis à en tirer des enseignements efficaces, tu deviendrais plus fort, et plus sage.

Le vieux singe se tourna ensuite vers Tao.

- Je souhaiterais que ce que tu viens de voir ne devienne pas une arme facile à utiliser contre Runog. En revanche, ce serait de bon augure que tu te souviennes de la manière qu'a utilisé cette jeune fille pour le mettre à mal : la colère et la force brute ne mènent à rien. Il faut savoir employer tout le potentiel de ton corps : tu es quelqu'un d'agile, et de souple, à défaut d'avoir les mêmes qualités que Runog. Plutôt que d'essayer de le battre sur son propre terrain, trouve plutôt un nouveau chemin bien à toi, qui te permettra de rivaliser avec lui.

Et finalement, ce fut au tour du professeur qui s'occupait de cette session d'entraînement extérieur, et n'avait pas non plus esquisser le moindre mouvement, à l'instar du grand moine.

- Tu devrais emmener les élèves à l'intérieur pour se débarbouiller et se purifier. Ils ont tous appris beaucoup de choses ce matin, il serait bon de les confier au professeur suivant, et de lui expliquer la situation, afin que ces enseignements ne se perdent pas une fois que le repas aura gonflé leurs ventres, et vidés leurs esprits. Quand on ne leur répète pas les choses à tête reposée, ces petites ont une fâcheuse tendance à faire l'impasse sur certaines choses qui paraissent anodines, mais sont des plus importantes. C'est bien beau de rire, mais si tout cela ne sert qu'à inverser les places de Tao et de Runog, nous n'aurons pas avancé.

- Entendu, Grand Moine. Je ferais ce qu'il faut.

Le singe acquiesça. Il avait pleine confiance dans les enseignants du monastère de Tull. Ils avaient plus d'une fois fait leurs preuves et formés des élèves complets et même, parfois, renommés. Tandis que le groupe s'éloignait, Runog se dirigeant vers un endroit à part, derrière le bâtiment principal, sans doute pour trouver un coin tranquille pour méditer, Berfomet surveillait la réaction du reptilien. Il avait l'air plutôt abattu, ce qui était compréhensible : c'était bien la première fois qu'il se faisait malmener de la sorte, et son illusion d'invulnérabilité s'évaporant, il avait pas mal de choses à appréhender. Ce qui devait être assez effrayant, au fond.

Bon, bon. Ne restait plus qu'à en apprendre plus sur cette jeune féline qui venait de débarquer de nul part ! Berfomet se tourna vers elle, l'endroit étant d'un seul coup devenu bien plus calme. L'homme-singe était plutôt petit, et voûté. Enfin, il avait l'allure d'un singe, même humanoïde, quoi. La jeune fille était du coup plus grande que lui. S'appuyant sur son bâton en bois-de-fer, à la manière d'un vieillard, il s'approcha de quelques pas pour pouvoir engager la conversation.

- Je ne sais pas si tu as un bon cœur, un sens aigu de la justice, ou une irrépressible envie de t'amuser avec tout ce qui bouge et se vante … Mais en tous les cas, grâce à ton assistance inattendue, la leçon du jour a été très fructueuse pour ce groupes de jeunes initiés. Le moins que je puisse faire est, du coup, de te rendre ce service ! Quelque soit la raison de ta venue, des conseils ou un enseignement quelconque, n'hésite pas à formuler ta demande : je serais honoré de pouvoir t'aider à avancer sur la voie qui est la tienne.

C'était peut-être inconscient, de dire cela avant même de savoir qui elle était. Peut-être. Mais Berfomet était persuadé que, même dans le cas où cette jeune fille avait simplement voulu piétiner la fierté de Runog pour son propre amusement … il y avait un petit quelque chose en elle qui n'avait pas aimé l'injustice dont avait fait preuve le lézard avec Tao. Et que ce soit infime, ou immense, en elle, c'était un trait de caractère dont un sbire de l'Empire ne pouvait pas hériter. De même que la joie qu'elle y avait pris. Et une femme ne venait pas du Nord. De même qu'elle n'avait rien d'une reptilienne … Dans tous les cas, quelle que soit la voie qu'elle parcourait, Berfomet ne sentait pas en elle des valeurs contraires à celles du monastère. Et si elle venait pour devenir s'initier et apprendre, quel que soit le temps qu'elle souhaitait y consacrer, il saurait répondre à ses attentes.

- Au fait, je me nomme Berfomet. Je suis le Grand Moine de Tull, et c'est donc moi qui ait en charge ce monastère.

Gothyka s'amusait comme une grande gosse qu'elle était. Une bataille de boules de neige en plein été, c'était sympa à son sens. Même si pour le reptilien, cela relevait plus du crime de lèse-majesté. Ce qui pour la féline n'était qu'un jeu, et une petite leçon au passage, était un combat sans pitié pour le reptilien. Mais rien à faire, il avait beau y mettre tout son cœur et toute sa rage, il n'arrivait à rien mis à part se faire ridiculiser. Son physique ne souffrait pas, mais sa psyché était au bord de la rupture, et tel un super héros, son maître intervint. Il coupa le "combat" au court, en arrêtant les boules de neiges de la jeune tigresse.. Celle-ci afficha une petite moue tristounette de voir que la session de jeu était visiblement finie. Elle était plus vieille que le reptilien de trois ans, mais elle demeurait plus jeune et insouciante que lui. Enfin dans un certain sens seulement.

Le maître tira des leçons qu'il prodigua à ses élèves, que ce soit pour Runog, pour Tao ou pour les autres. Depuis l'arrivée de l'homme singe, la jeune féline avait redressé ses oreilles attentives à ce qu'il allait se passait ensuite. Sait-on jamais des fois que sa venue déplaise et que le maître des lieux appelle la garde, elle devait se tenir prête à décamper, et en quatrième vitesse ! Mais non. Il semblait même qu'elle était prolifique pour les cadets présents. Bah si elle avait put joindre l'utile à l'agréable, pourquoi pas ? C'était tout bénéf' après tout. Bien qu'elle aurait aimé que ça dure encore un peu. Elle observa donc son jouet partir, n'en menant visiblement pas large. Bon d'accord, elle avait un peu malmené sa fierté, mais de là à être aussi troublé. La tigresse ne comprenait pas trop pourquoi le reptilien réagissait de la sorte.

Mais elle ne put se poser la question plus longtemps qu'elle se retrouva seule avec l'homme singe. Celui-ci commença à s'avancer vers elle. La jeune tigresse remua ses oreilles, préparant silencieusement et de manière imperceptible une éventuelle fuite. Après tout, elle ne pouvait être sûre de rien. Mais le discours que tint alors le curieux bonhomme, dont elle ne parvenait pas à déterminer l'âge, était plutôt pour la rassurer. Et toutes les propositions qu'il lui avait faites sur les raisons de son interventions lui plaisaient assez, sans qu'elle puisse en choisir une en particulière. Mais elle n'avait pas finit d'être surprise, car en plus de se montrer reconnaissant, il lui proposa à présent de lui rendre service en échange de son intervention, visiblement très appréciée. Ce qui laissa la jeune féline complètement pantoise.

Elle pencha légèrement la tête sur le côté, se demandant comment réagir. C'était bien la première fois que quelqu'un se montrait reconnaissant de ses interventions. Elle était plus habituée à recevoir des coups, ou a essuyer des jets de pierres, voir pire, qu'autre chose. C'était chouette et bizarre à la fois, que pour une fois on se montre autant de gratitude. Toujours est-il qu'il fallait porter une réponse à toute ses questions. En plus ça lui laisserai un peu de temps pour réfléchir à la proposition de l'homme singe. Elle commença donc par le début, quand aux motivations de ses actes, et lui répondit avec un grand sourire enfantin.

-Je dirais que c'est un peu de tout ça en fait ! Attaquer quelqu'un de plus faible que soi, et dans le dos, c'est lâche. Surtout qu'il n'avait rien à en tirer. Avoir de la puissance et s'en servir pour des bassesses, sans aucune raison.... C'est le genre d'attitude qui me donne des envies de jouer hi hi hi !

En y repensant bien, elle aurait très bien pu infliger une très sévère correction à ce jeune reptilien, et le torturer à loisir avec ses pouvoirs. Elle en avait la force, le pouvoir, et même des raisons au vue de son attitude envers Tao. Mais c'était quasiment contre ses "principes". Qui plus est elle avait agit en prévention, on ne punit pas sévèrement en prévention, ça n'avait aucun sens sinon. Cela ne relevait même plus de la prévention mais de la répression.... Enfin bref toujours est-il qu'elle n'était pas du genre à s'acharner comme ça, et que par ailleurs Berfomet s'était présenté et pas elle. Mais voilà, elle était très bien placé pour savoir que dire aux gens qu'on était pirate, ce n'était pas forcément la meilleure des idées. Pourtant ce curieux petit singe lui inspirait confiance. Mais prudence était mère de sureté, et pour une fois qu'elle se montrait prudente, on allait pas se plaindre non plus. Et c'est donc avec une papatte franchement tendue vers le singe qu'elle se présenta avec un sourire du même ton. Elle prit tout de même soin de ne pas sortir les griffes.

-Moi c'est Gothyka, je suis féline de liberté on pourrait dire !

Gothyka ou l'art de sire la vérité sans vraiment la dire. Maintenant vint le sujet épineux du moment, la volonté de Berfomet de vouloir l'aider à s'épanouir. C'était bien sympa de sa part, mais elle avait du mal à saisir tout ce que cela pouvait bien sous entendre. Et surtout, comment pouvait-il l'aider à évoluer dans sa voie alors qu'elle ne savait même pas si elle en suivait vraiment une. Et elle avait beau retourner le problème dans tout les sens, elle ne trouvait pas de solution. Elle se résout alors à jouer carte sur table avec ce petit moine qui lui paraissait sympathique, et de lui dire la vérité. Après tout, ça ne servait à rien de cacher quoique ce soit sur ses intentions en venant ici, elle ne pensait pas à mal à aucun moment.

-Moi je veux bien qu'on m'aide, mais je ne sais pas en quoi j'aurais besoin d'aide hé hé ! Je suis venue ici par hasard, je vadrouille à la découverte du monde ! J'étais entrain de manger une pêche quand je suis tombée sur le petit manège de Runog et Tao....

Elle s'interrompit soudainement, étant soudainement frappée par une illumination. Elle savait quoi lui demander, et elle espérait de tout cœur qu'il puisse l'aider.

-En fait en y repensant, je me demandais.... Vous avez l'air de recevoir des élèves de toutes les contrés possibles. Vous n'auriez pas rencontré des gens comme moi ? C'est que j'ai un peu l'impression d'être seule au monde des fois..... Pas que je suis complètement seule hein, mais.... J'ai jamais vu personne comme moi nul part, et personne n'a jamais vu quelqu'un comme moi avant de me rencontrer.... Je sais que ça peut paraître bête mais.... Enfin voilà quoi.

Même si cela lui faisait bizarre d'être jusqu'ici la seule de son espèce, elle ne pouvait pas prétendre qu'elle était malheureuse non plus. Au contraire, sa famille de pirate la chouchoutait et la dorlotait comme si elle était la fille de tout le monde, et elle n'avait jamais eu trop de mal à trouver l'amour et l'affection dont elle avait besoin. Mais elle n'avait jamais pu s'empêcher de penser qu'elle aurait bien aimé avoir une maman ou un papa rien qu'à elle. Puis petit à petit, elle en était venu à chercher des traces de sa races. Sans grand succès il fallait dire. C'était tout de même bizarre. Et cette mémoire défectueuse qui lui avait supprimer toute une partie de sa plus tendre enfance.... En résumé, elle n'avait rien pour l'aider sur ce sujet. Et c'est donc avec un certain espoir qu'elle attendait la réponse de Berfomet.